Je profite d'un temps suspendu en Corse (tout est relatif) avant l'arrivée dans l'île demain du ministre de l'Intérieur français, Gérald Darmanin, en vue d'une négociation « sans précédent » (on demande à voir. La présidentielle, c'est dans trois secondes et demie, cf. la plume d'hier) avec les forces vives de l'île. J'en profite donc pour prendre un peu de champ et vous parler d'un autre projet qui me tient à cœur, une sorte de rêve impossible. Un rêve signé Mattei-Perrier : mère et fils.
C'est peu dire qu'au long de sa carrière de photographe de village, ma mère a accumulé des dizaines, sinon des centaines de photographies. Elle en a des classeurs entiers à la maison, qu'elle montre à nos invités avec une fierté à mon sens tout à fait justifiée, mais je suis évidement juge et partie en la matière. Ajoutez à cela ses disques durs (en grand désordre, mais que je classe petit à petit). Ajoutez à cela ses négatifs (en grand désordre aussi). Et ce qu'il nous reste de sa collection privée de cartes postales qui, au fil des ans, sont parties un peu partout en France et dans le monde, tant Cargèse est populaire auprès des touristes. On y croisait en effet de son temps le Gentil Membre du Club Méd (aujourd'hui fermé), le savant d'ultra-haute volée à l'institut scientifique (qui se souviendra toujours de Charpak, fait citoyen d'honneur du village), en passant par le pèlerin de la Beauté en route vers les Calanches de Piana, et la réserve de Scandola ou encore le cargésien d'adoption qui vient pour la belle saison, ou les cérémonies religieuses grecques. Comme un centre du monde. Un monde en réduction, qu'elle photographiait avec passion : des cérémonies religieuses aux paysages vus d'hélicoptère. Une mine, presque une Moria. Une mine qui dort. Comme sous la neige.
Bien entendu, dans son projet de livre-testament, ma mère, Lucie Mattei-Perrier, a contacté les éditeurs corses. La sentence est vite tombée : les photos sont belles, mais le projet ne les emballe pas. Un beau livre de photos sur UN SEUL village ? L'ouverture de compas géographique n'est pas jugée assez grande. Un beau livre, à imprimer, cela coûte cher. L'objet serait beau, mais sa rentabilité aléatoire. Bref, ils ne sautent pas le pas. L'auto-édition nous coûterait encore plus cher, et les livres risqueraient encore plus de nous rester sur les bras. Et si les Corses ne suivent pas, comment convaincre un éditeur continental de l'intérêt du projet, de la singularité de Cargèse, que, avec Rosa Ferrandi, feu la directrice de la chorale double, nous avons narré dans les Cargèse Autrefois...?
Faire un truc qui claque comme un drapeau. Pas seulement un petit livre modeste comme ceux de chez Lacour. Non, cette fois-ci, on viserait plus orgueilleux. Mais comment faire ?
L'ironie de la chose est que les photos de ma mère, qui n'est pas du tout présente sur les réseaux sociaux, ont carrément plus de succès en terme de likes, etc et de commentaires quand elles circulent hors droit d'auteur que tous mes écrits, alors que je passe vraiment beaucoup (trop) de temps derrière l'écran. Une mine photographique. A exploiter. Mais comment faire ?
Une sentence zen que j'ai trouvée sur Facebook dit : « Le premier pas ne t'amènera pas à destination, mais il te sortira de là où tu es. » Seulement, comme je vous l'ai expliqué hier, des premiers pas dans toutes les directions à la fois, cela me semble assez compliqué.
Néanmoins, j'ai quand même gardé un projet à long terme : ouvrir par exemple un compte Instagram avec les plus belles photos de maman ; monétiser le compte avec un Tipeee, un Patreon ou quelque chose qui y ressemble (je n'ai pas encore d'option très précise sur le sujet) et, si la monétisation est suffisante, lancer l'impression du beau livre dont le but ne serait pas tant de gagner des euros (même si c'est important) que de faire des heureux (ce qui nous ferait tellement plaisir).
Seulement, il y a un GROS travail de classement à faire. Puis d'optimisation des photos par exemple avec Gimp, que je maîtrise pas du tout, mais pourquoi est-ce que cela ne pourrait pas s'apprendre (et pourquoi payer Photoshop quand il y a Gimp en face, vraie question ?) ?
Bref, un travail de longue haleine et de long terme mais pas du très long terme non plus : maman va fêter ses quatre-vingt-deux ans cette année, elle n'est pas plus que moi immortelle et je voudrais tant, aussi, qu'elle voie son rêve entre ses mains le plus tôt possible.
Cela fait décidément beaucoup de travail pour beaucoup projets à la fois. De quoi relire Tolkien où l'on se méfie des routes, du premier pas dans le sentier tout près, car on ne sait pas où il vous mène. Et même de quoi à me réconcilier en partie avec Descartes, qui recommandait de diviser des gros problèmes en autant que possible de problèmes plus petits.
Et vous, qu'en pensez-vous?
PS : Quelques photos © Lucie Mattei-Perrier / Art-Photo Cargèse, souvenirs pour certains, découverte pour d'autres.
Version 1.0