Pourquoi, en dépit du matraquage sur mon mur Facebook, je n'irai pas voir Star Wars 9
Écrit par Philippe PerrierIls sont mignons, Ecran Large et Compagnie. Ils ont bien remarqué que j'ai eu le malheur de cliquer sur quelques-uns de leurs articles. Ils croient qu'on ne les voit pas venir façon : « Allez, on sait tous que Star Wars 7 était mauvais, Star Wars 8 pire, mais faîtes un effort, hein ? Payez pour aller voir le 9, sinon, Disney va chouiner un bon coup et ce sera trop triste. » Eh bien non ! Qu'il chouine ! Mais au fait, pourquoi ?
En ces temps de rentrée littéraire, ce petit rite social si français dont je ne suis pas certain que l'on se préoccupe plus que ça à l'étranger, permettez-moi une petite fable allégorique, en hommage à ma librairie de quartier favorite et, à travers elle, à toutes les librairies de quartier qui résistent de leur mieux aux géants numériques. Qui sait, peut-être verra-t-on un jour, à La Marge ou ailleurs, débarquer pour de bon ma déesse imaginaire, à la recherche de ce que l'on ne peut pas trouver dans une base de données, grâce à un algorithme ou une recherche consciente. S'empare de ce personnage qui veut, je l'offre à notre public.
« Rhaaaaaaa !!! » et autres souvenirs liés au Père Florent Marchiano
Écrit par Philippe PerrierBénie soit Noëlle Casabianca, qui a su retrouver, sans doute au fond de vieux tiroirs, une telle photo de mon adolescence. Elle en est l'auteur : admirez donc le coup d’œil et la composition. Quand exactement a-t-elle été prise ? Je ne le sais pas, mais elle éveille en moi tant d'émotions que je ne peux pas, aujourd'hui, ne pas vous en faire part. La scène a manifestement lieu un lundi de Pâques à Cargèse, sommet de l'année liturgique pour les Cargésiens, chantant leur « Christos Anesti !!! » : le Christ est ressuscité des morts et par la mort, il a vaincu la mort. L'exaltation du village est à son comble.
Je me souviens d'un géant aux cheveux de neige, aux yeux azur, et, vers la fin de sa vie, au village, s'appuyant sur un bâton de marche dans chaque main tellement le corps lui faisait défaut, lui dont le cerveau avait été reconnu parmi les plus étincelants de la planète. D'où, peut-être, la couleur des cheveux, la pureté de ses yeux, le besoin absolu de trouver un havre où reposer le corps.
Ici, à Cargèse, Georges Charpak, car c'est bien de lui dont je parle, ne payait rien. Entendez, il payait son pain, comme tout le monde. Ses livres, ses cartes postales et ses développements photos, chez ma mère, comme tout le monde ; sa viande chez Madeleine, etc, mais le village, me semble-t-il mettait un point d'honneur à ne pas lui faire payer sa célébrité, ni son Nobel, ni, bien entendu sa judéité. Pour cela, je crois qu'il nous aimait bien et fut réellement touché du titre tout symbolique de « Cargésien d'honneur » que la mairie lui décerna après le Nobel. Qui du maire qu'il dépassait d'une tête ou du Nobel ému aux larmes se sentait le plus honoré ? Bien difficile à dire.... Charpak venait à nos messes byzantines. Cela ne semblait pas le déranger de voir un village célébrer un Dieu « saint », « fort » et « immortel », de nous en voir implorer Sa pitié le long de nos interminables doxologies.
Un Nobel déambulant, comme les autres, parmi les autres, donnant à chacun un Nobel par procuration qu'il savourait modestement, sans déranger ce géant aux cheveux blancs qui faisait notre fierté.
(En réponse au défi poétique de Virginie Lloyd)
Assez pleuré
Le cul de Sand,
Assez mastur-
bé sur la lande,
Cheveux au vent
Que l'on me prête,
Moi le chouinard des romantiques.
Assez passé
Pour la chochotte,
Le larmoyant qu'il faut moucher,
Le p'tit poivrot académique.
C'est bien joli, faire le Grand :
« Moi, je m'exile pour la France.
Retenez-moi ou je respire ! »
C'est vrai, il a pleuré, Victor,
Des larmes parfois belles,
Parfois grandiloquentes :
Boursouflé d'être lui,
Il s'est pris pour Hugo.
Frédéric Lordon : quatre actes de comédie prophétique dès 2011 ? Écrivons le cinquième !
Écrit par Philippe Perrier« J'ai mal pricé mon swap et mon spiel a losé / J'ai été un peu long et j'aurais dû shorter... » Vous n'avez rien compris à ces deux alexandrins ? Je vous rassure tout de suite, moi non plus. Et il semble bien que personne ne puisse les comprendre... Je viens de relire D'un retournement l'autre, la comédie sérieuse sur la crise financière, en quatre actes et en alexandrins, de Frédéric Lordon, d'où sont extraits ces deux petits bijoux d'hermétisme grotesque et globish. Deux alexandrins... Il n'en faut pas plus à Lordon, redoutable, pour enfermer le discours du trader, qui ne dira rien d'autre. Je peux me tromper, bien entendu, mais, justement, j'aimerais avoir vos avis et contre-expertises sur sa pièce, parue en 2011 au Seuil, façon théâtre dans un fauteuil. Et ce, si possible, une fois n'est pas coutume, de manière assez urgente.
Une immense sensation de calme est le premier roman de Laurine Roux. J'ai mis longtemps à l'ouvrir. Trop. Il m'avait pourtant été plus que vivement recommandé avant même qu'il ne soit couronné par le prix révélation de la SGDL. Cela peut sembler bizarre, d'avoir envie de parler d'un roman portant un tel titre juste le jour de l'« Acte III », dans un pays surexcité au possible. Pourtant, non seulement parce qu'il est très d'une très grande qualité littéraire, en soi, et, à mon avis, appelé à durer ; mais encore parce qu'il a des choses à nous dire, par contrepoint, dans l'actualité immédiate, il m'a paru intéressant de revenir dessus, malgré les lauriers déjà abondants de la presse, du net, des librairies et des médiathèques.
Il était une fois un libraire futé,
Un rien las de jouer sans fin l'haltérophile
Empilant les cartons sans les lire, flouté
Dans son désir précis de savourer tranquille
Un bon bouquin, un bon café : sa vocation.